Quelles valeurs économiques en 2050 ? CARE, une piste citée par le Sénat
En octobre 2025, le Sénat publiait un rapport prospectif intitulé « Quelles valeurs économiques en 2050 ? ». Ce document questionne notre façon d’attribuer de la valeur dans un monde en transition environnementale, sociale et technologique.
Parmi les pistes explorées, la comptabilité y occupe une place stratégique. Le rapport cite d’ailleurs explicitement la méthode CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology) comme l’approche socio-environnementale la plus aboutie à ce jour.
👉 Ce signal parlementaire n’est pas anodin : il indique une reconnaissance institutionnelle croissante des limites de la comptabilité traditionnelle, et positionne CARE comme l’un des outils les plus crédibles pour penser une nouvelle valeur économique.
Comment repenser la création de valeur ? Pourquoi la comptabilité est-elle un levier central ? Et en quoi CARE peut-elle répondre aux enjeux soulevés dans ce rapport ? Décryptage.
Au programme :
- Analyse : quand le Sénat appelle à changer les règles du jeu
- La comptabilité CARE comme réponse concrète
- Ce que ce rapport change pour les entreprises, les institutions et les citoyens
- Conclusion - Le chantier d’une économie soutenable est lancé
Analyse : quand le Sénat appelle à changer les règles du jeu
Constat du rapport : Le modèle de croissance en fin de cycle
Le rapport du Sénat dresse un diagnostic sans détour : notre système économique repose sur un modèle qui a atteint ses limites.
Depuis un siècle, la croissance s’est imposée comme la valeur dominante, le moteur et même la vision des politiques publiques et des entreprises. Mais cette logique, héritée de l’après-guerre, ne parvient plus à répondre aux défis écologiques contemporains.
Le Sénat rappelle que cette focalisation sur la croissance repose sur des outils construits pour un autre temps.
Le PIB, indicateur central de la “santé” économique, mesure les flux financiers, mais ignore les pertes de capital naturel et humain qui conditionnent pourtant la pérennité de nos sociétés. De même, la productivité et les indicateurs de performance classiques traduisent une vision strictement comptable du progrès — sans tenir compte du vivant, du bien-être ou des équilibres collectifs.
Cette approche a conduit à une hiérarchie des valeurs où l’économique a pris le pas sur le social, et l’environnement.
Le rapport parle d’une « crise de la valorisation » : la valeur économique, devenue fongible dans toutes les autres, a appauvri notre rapport au monde et à la complexité humaine. Ce que l’on ne mesure pas n’existe plus — et ce que l’on ne valorise pas se dégrade.
Autrement dit, le cadre de référence même de nos décisions économiques est en cause. Tant que la performance reste définie par le seul prisme monétaire, la préservation du vivant restera invisible dans les bilans, et la soutenabilité, une promesse sans traduction concrète.
Besoins exprimés : Redonner du sens à la performance économique
Face à ce constat, le Sénat appelle à repenser les fondations mêmes de l’économie. Si la croissance ne peut plus être la seule mesure du progrès, il devient urgent de redéfinir ce que nous appelons “richesse”.
L’enjeu n’est plus d’accumuler du “plus”, mais de produire du “mieux” : une prospérité compatible avec les limites planétaires et les besoins essentiels des générations présentes et futures.
Le rapport insiste sur la nécessité de revoir nos instruments de mesure. Les indicateurs de flux – comme le PIB ou la valeur ajoutée – montrent ce qui circule, mais pas ce qui s’érode. Or, ce sont les stocks vitaux (capital naturel, capital humain) qui conditionnent la stabilité à long terme de nos sociétés.
Tant que ces stocks ne seront pas intégrés dans nos comptes, la destruction des fondements du bien-être collectif restera invisible.
Ce changement implique aussi de retisser le lien entre développement économique, progrès humain et préservation du vivant.
Les politiques publiques, les entreprises et les institutions doivent reconnaître que ces dimensions ne s’opposent pas : elles forment un même système d’interdépendances. La valeur ne peut plus être mesurée uniquement par le rendement financier, mais par la capacité à préserver les conditions du vivant.
Enfin, le Sénat en appelle à l’émergence de nouveaux référentiels comptables et indicateurs de décision.
Autrement dit : il faut des outils capables de traduire ces objectifs en actes concrets, mesurables et pilotables.
Le rapport évoque la nécessité d’un cadre cohérent entre les sphères publique et privée — un langage commun qui permette de comparer, d’évaluer et d’arbitrer autrement que par le seul prisme monétaire.

La comptabilité CARE comme réponse concrète
La réflexion du Sénat ne s’arrête pas à un constat critique : elle ouvre la voie à un changement de grammaire économique.
Et c’est précisément ce que la comptabilité CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology) met déjà en œuvre.
CARE répond point par point aux besoins exprimés dans le rapport :
- elle intègre les trois capitaux fondamentaux – naturel, humain et financier – dans une même logique de préservation ;
- elle remet la valeur au service du vivant, en considérant qu’aucune richesse n’est réelle si elle détruit les conditions de sa propre reproduction ;
- et elle fait de la responsabilité un outil de gestion, en rendant visibles les dettes écologiques (environnementales et sociales) qui étaient jusqu’ici invisibles dans les comptes.
Là où le Sénat parle de « repenser la valeur », CARE la recalibre autour de la préservation : la performance économique ne se mesure plus uniquement par le profit, mais par la capacité de l’organisation à maintenir le bon état de ses capitaux vitaux.
Ainsi, la dépense environnementale ou sociale n’est plus un coût accessoire, mais une obligation comptable au même titre qu’un remboursement de dette financière.
Cette approche n’est pas une utopie conceptuelle : elle est reconnue.
Le rapport du Sénat cite explicitement la méthode CARE (p. 44), comme le modèle de comptabilité socio-environnementale le plus abouti à ce jour.
CARE incarne concrètement la refondation que le Sénat appelle de ses vœux : une comptabilité qui ne se contente pas de mesurer les flux financiers, mais qui pilote la soutenabilité réelle des organisations.
Ce que ce rapport change pour les entreprises, les institutions et les citoyens
Le rapport du Sénat n’est pas un simple exercice de prospective : il trace les contours d’une transformation systémique.
En redéfinissant ce que nous appelons “valeur”, il redessine aussi les rôles et les responsabilités de chacun — entreprises, institutions et citoyens.
🏢 Pour les entreprises
L’enjeu est clair : aligner la performance économique sur la durabilité réelle.
La transition n’est plus une question de communication, mais de structure comptable.
Le rapport du Sénat souligne que les modèles économiques doivent désormais démontrer leur capacité à préserver les capitaux humains et naturels, pas seulement à générer du profit.
Cela implique une nouvelle exigence de transparence : savoir montrer, chiffres à l’appui, comment les activités préservent — ou dégradent — le vivant.
Dans cette perspective, la comptabilité CARE devient un outil stratégique : il permet d’intégrer la responsabilité écologique et sociale dans la gouvernance et les bilans, de manière mesurable et vérifiable.
Les entreprises qui s’y engagent ne se contentent plus d’un reporting RSE : elles intègrent la soutenabilité au cœur de leur modèle économique.
🏛️ Pour les institutions
Le rapport appelle également les pouvoirs publics à faire évoluer les cadres de pilotage.
Les réglementations comme la CSRD et les normes européennes ESRS vont dans le même sens : elles imposent aux entreprises de rendre compte de leurs impacts selon le principe de double matérialité.
Mais le Sénat va plus loin : il plaide pour que ces logiques de mesure soient intégrées aux politiques publiques et non seulement au secteur privé.
Les administrations, collectivités et organismes publics doivent, eux aussi, disposer d’outils leur permettant d’évaluer la valeur de la préservation et non seulement la dépense.
CARE offre ce langage commun — une comptabilité intégrée, compréhensible aussi bien par les décideurs économiques que par les acteurs publics.
👥 Pour les citoyens
Enfin, cette redéfinition de la valeur a une portée profondément culturelle et politique.
Elle implique une réécriture du contrat social : passer d’un imaginaire centré sur le bien-produire à un modèle fondé sur le bien-vivre.
Le rapport souligne que la confiance dans le système économique dépend désormais de sa capacité à assurer un avenir désirable et soutenable.
En plaçant la préservation du vivant et de la dignité humaine au centre de la comptabilité, CARE rend cette transition tangible :
elle traduit, en chiffres et en engagements, ce que les citoyens attendent des organisations — de la cohérence, de la responsabilité et du sens.
Conclusion - Le chantier d’une économie soutenable est lancé
Le rapport du Sénat ne parle pas d’utopie mais d’une bifurcation nécessaire.
CARE montre que cette redéfinition peut être traduite en actes, via la comptabilité.
Redéfinir la valeur, ce n’est plus une option politique — c’est un chantier technique et culturel.
Le rapport du Sénat ne parle pas d’une utopie lointaine : il décrit une bifurcation nécessaire.
La croissance, longtemps perçue comme le symbole du progrès, ne suffit plus à guider nos choix collectifs.
Il faut désormais repenser la valeur à la racine — ce que nous comptons, ce que nous mesurons et ce que nous préservons.
Cette refondation ne relève pas de la morale, mais de la méthode.
C’est une question d’outillage intellectuel et comptable : si les entreprises, les collectivités et les États continuent de mesurer uniquement les flux financiers, les équilibres écologiques resteront invisibles.
Et ce qui demeure invisible finit, tôt ou tard, par disparaître.
La méthode de comptabilité CARE apporte ici une réponse concrète.
Elle montre que cette redéfinition de la valeur peut être traduite en actes, dans les bilans, les décisions d’investissement et les politiques publiques.
CARE ne promet pas une “autre économie” abstraite : elle fournit le langage comptable capable de faire dialoguer économie, écologie et société sur une même base objective.
Redéfinir la valeur, ce n’est donc plus une option politique.
C’est un chantier technique, culturel et démocratique : celui d’un monde où la performance ne se mesure plus seulement à ce que l’on produit, mais à ce que l’on préserve.
Source : lien vers le rapport du Sénat