Se rendre au contenu

Directions Financières : CARE la Comptabilité Écologique et Multi-Capitaux

Intégrer les capitaux naturels et humains dans la performance financière

Pourquoi les directions financières s’intéressent désormais à CARE

Depuis plusieurs décennies, la fonction finance est au cœur du pilotage stratégique. Mais l’environnement économique a radicalement changé : pressions réglementaires croissantes, risques ESG plus visibles, attentes sociétales renforcées, et dépendance accrue des entreprises aux ressources naturelles et humaines.

Dans ce contexte, la comptabilité CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology) propose une avancée majeure : intégrer les capitaux naturels et humains dans les comptes, avec la même rigueur que les capitaux financiers.

 

Pour un DAF, un contrôleur de gestion ou un auditeur, la comptabilité CARE n’est pas seulement une innovation conceptuelle :

👉 c’est une extension du modèle comptable, structurée, chiffrée, auditable, qui permet de mieux piloter les risques et la performance à long terme.


Au programme : 


💡 Nouveau sur la méthode CARE ?

Je vous recommande de commencer par cet article introductif :

Guide complet de la comptabilité CARE (cliquez ici).


La comptabilité CARE : une évolution logique du rôle de la fonction finance

La comptabilité financière classique repose sur une hypothèse implicite : les capitaux naturels et humains sont gratuits, renouvelables et illimités. La comptabilité CARE brise cette hypothèse et introduit trois changements majeurs :

 

1️⃣ Les entreprises dépendent de capitaux non-financiers essentiels

Sol, eaux, climat, biodiversité, santé au travail… sont des conditions de production, au même titre que le capital financier.

2️⃣ Ces capitaux peuvent être dégradés

Leur dégradation génère une dette environnementale ou sociale que la comptabilité CARE rend visible.

3️⃣ Les dépenses de préservation deviennent des coûts nécessaires

 

On ne peut distribuer un profit qu’après avoir préservé l’ensemble des capitaux consommés pour produire ce profit.

Pour une direction financière, la comptabilité CARE n’est donc pas un outil “RSE”, mais un modèle comptable complet, cohérent avec les standards existants.


Le cœur du modèle : les trois capitaux au passif

Dans la comptabilité CARE, le passif n’est plus seulement constitué de dettes financières ou d’engagements contractuels.

 

Il intègre trois catégories de capitaux :

  • Capital financier
  • Capital naturel (sol, eau, climat, biodiversité)
  • Capital humain (conditions de travail, santé, compétences…)

Chaque capital est une entité capitale, indépendante de l’entreprise, que l’entreprise emploie et doit préserver.

 

Implication clé pour un DAF

👉 Le passif représente les dépenses de préservation nécessaires pour maintenir ou restaurer ces capitaux dans leur bon état écologique.

 

Ce changement déplace la fonction finance :

  • de l’analyse des seuls flux monétaires,
  • vers l’analyse de l’état des capitaux mobilisés par l’activité.


Les “euros nécessaires” : la traduction monétaire officielle de CARE

Contrairement aux approches ESG ou aux modèles de “valorisation du capital naturel”, la comptabilité CARE ne cherche pas à donner une valeur marchande aux capitaux naturels et humains.

 

Il calcule les euros nécessaires :

les dépenses à engager pour préserver ou restaurer un capital dégradé.

C’est une logique comptable stricte :

✔ coûts historiques,

✔ dépenses nécessaires,

✔ plans de préservation,

✔ provisions / actifs en attente.

 

Pour une direction financière, cela signifie :

  • pas d’hypothèse spéculative de marché,
  • mais des dépenses planifiées, pilotables, auditables.

 La comptabilité CARE reste donc dans le périmètre du métier comptable.


Comment la comptabilité CARE structure le bilan et le compte de résultat

CARE s'intègre dans la comptabilité via une architecture claire.

Chaque activité de l’entreprise (exploitation ; préservation) comporte :

  • trois lignes de capitaux au passif,
  • des charges correspondant aux différentes actions du modèle CARE :
    • emplois des capitaux (= usages des capitaux dans l’exploitation),
    • actions de préservation (prévention et restauration),
    • actions d’accès aux capitaux,
    • et, le cas échéant, actions d’évitement au sein de l’exploitation.

 

Exemple simplifié d’un compte de résultat CARE

Charges d’exploitation

  • Emplois des capitaux (financier, naturel, humain)

Charges de préservation

  • Prévention
  • Restauration

Charges d’accès aux capitaux

  • Définition des capitaux
  • Définition des états de référence
  • Expertises et diagnostics

Produits CARE

  • Contribution à l’évitement

Résultat CARE

= résultat financier après prise en compte des dépenses nécessaires à la préservation des capitaux.

 

Exemple simplifié de bilan CARE

Passif CARE

  • Capitaux financiers
  • Capitaux naturels (euros nécessaires de préservation)
  • Capitaux humains (euros nécessaires de préservation)

 Actif CARE

  • Actifs traditionnels
  • Éléments liés aux capitaux naturels et humains qui apparaissent à l’actif lorsque cela est pertinent au regard du modèle CARE appliqué.

 Ce que cela change pour le DAF

  • La performance n’est plus seulement financière : elle devient intégrée.
  • Le profit distribuable devient :

Profit = Résultat – dépenses nécessaires de préservation

Le bilan devient un outil de lecture du risque environnemental et humain.


CARE et la CSRD / ESRS : articulation naturelle

La CSRD impose une logique de double matérialité :

1️⃣ comment l’entreprise impacte les capitaux naturels / sociaux

2️⃣ comment ces capitaux impactent la performance financière

 

La comptabilité CARE est l’outil comptable qui permet de rendre cette double matérialité opérationnelle.

 

Points d’articulation directs

  • des cibles scientifiquement fondées : CARE les traduit en seuils de bon état écologique définis par les traducteurs d’état.
  • des plans d’action pour atteindre ces cibles : CARE structure les actions de préservation (prévention & restauration).
  • des métriques pour suivre l’avancement : CARE utilise des indicateurs d’impact et des indicateurs de gestion issus de la comptabilité biophysique.
  • des ressources financières allouées aux plans d’action : CARE calcule les dépenses de préservation nécessaires (“euros nécessaires”).

La comptabilité CARE fournit donc une structure comptable qui permet de rendre opérationnelles les exigences clés de la CSRD, particulièrement celles liées aux impacts sur le vivant. La comptabilité CARE n’est pas une norme réglementaire, mais un cadre de mise en œuvre parfaitement compatible.

 

👉 Une direction financière qui utilise la comptabilité CARE rend la CSRD plus simple, plus cohérente et plus auditable.


La comptabilité CARE et le contrôle interne : auditabilité incluse

Contrairement à certains frameworks ESG, souvent qualitatifs ou déclaratifs, CARE est :

  • mesurable,
  • traçable,
  • documenté,
  • auditable.

 Ce que la comptabilité CARE exige du contrôle interne

  1. Traçabilité des emplois de capitaux
    • Qui consomme quoi ?
    • Quelle activité entraîne quelle dégradation ?
  2. Fiabilité des traducteurs d’état 
    • Indicateurs biophysiques, biomarqueurs, ou expertise scientifique.
  3. Planification des dépenses de préservation
    • Prévention
    • Restauration
  4. Décomposition du bilan et du compte de résultat par activité
  5. Documentation systématique
    • décisions, hypothèses, données sources.

 

👉 La comptabilité CARE est donc auditable au même niveau que la comptabilité financière.

Cela en fait un outil stratégique pour les risk managers et les auditeurs internes.


Les bénéfices concrets pour une direction financière

1️⃣ Meilleure gestion des risques (écologiques, opérationnels)

  • Détection des pressions sur les capitaux essentiels
  • Anticipation de ruptures, pénuries, conflits sociaux
  • Quantification des engagements nécessaires

2️⃣ Vision long terme de la performance

  • Intégration des coûts futurs
  • Résultat plus fidèle
  • Décisions d’investissement éclairées

3️⃣ Alignement naturel avec la CSRD

  • Réduction de la charge de conformité
  • Données plus robustes
  • Storytelling RSE + finance cohérent

4️⃣ Avantage stratégique

  • Accès facilité aux financements (prêts verts, obligations durables)
  • Attraction des investisseurs institutionnels
  • Différenciation sur un marché qui exige transparence et soutenabilité


Comment intégrer la comptabilité CARE dans la fonction finance : feuille de route

Étape 1 : définir les capitaux

Identifier les capitaux naturels, humains et financiers mobilisés par l’organisation :

  • déterminer les entités capitales (sol, eau, climat, biodiversité, salariés…),
  • définir leurs traducteurs d’état (indicateurs, biomarqueurs, diagnostics),
  • fixer leurs seuils de préservation (bon état écologique et social).

Objectif finance : disposer d’un cadre clair pour suivre les dépendances de l’entreprise.

 

Étape 2 : analyser les emplois (dégradations)

Pour chaque activité de l’entreprise :

identifier les emplois des capitaux (comment l’activité exerce une pression),

  • mesurer leurs impacts biophysiques,
  • repérer les dégradations potentielles (dépassements de seuils).

Objectif finance : comprendre quelles parties du modèle d’affaires génèrent une future dette écologique ou sociale.

 

Étape 3 : structurer les actions de préservation

Pour chaque emploi susceptible de dépasser un seuil, définir :

  • des actions de prévention,
  • des actions de restauration.

Objectif finance : planifier les dépenses nécessaires pour maintenir les capitaux en bon état.

 

Étape 4 : intégrer la chaîne de valeur

Requalifier les flux entrants et sortants selon CARE :

  • achats et charges externes → identifier la part liée à la préservation, à l’évitement ou aux emplois,
  • ventes et investissements → identifier s’ils contribuent à préserver les capitaux.

Objectif finance : comprendre comment les partenaires, fournisseurs et clients influencent la dette écologique.

 

Étape 5 : modéliser les dépenses de préservation (“euros nécessaires”)

Calculer les montants nécessaires à :

  • la prévention,
  • la restauration,
  • les diagnostics et expertises (accès aux capitaux).

Objectif finance : quantifier le coût de renouvellement des capitaux — l’équivalent CARE de l’amortissement écologique et humain.

 

Étape 6 : intégrer les coûts de renouvellement et mesurer la dette socio-environnementale

Reprendre la comptabilité biophysique et traduire les besoins de préservation en montants monétaires.

Comparer ensuite :

  • les dépenses de préservation nécessaires (pour atteindre le bon état),
  • les dépenses réellement réalisées.

L’écart entre les deux constitue la dette socio-environnementale (exprimée en “euros nécessaires”).

 

Objectif finance : intégrer les coûts de renouvellement des capitaux dans le modèle d’affaires et identifier la dette écologique et sociale associée.

 

Étape 7 : produire les états financiers intégrés CARE

Établir les états comptables intégrés :

  • Bilan CARE (avec les capitaux au passif et les opérations en cours à l’actif),
  • Compte de résultat CARE (emplois, préservation, accès aux capitaux, contributions),
  • Annexes (définitions, seuils, états biophysiques, dégradations irréversibles…).

Objectif finance : disposer d’une image fidèle de la performance financière et écologique.

 

Étape 8 : réaliser l’analyse intégrée

Analyser :

  • la solvabilité environnementales et sociale,
  • l’effet levier des capitaux extra-financiers,
  • les dépendances critiques,
  • la sensibilité du modèle d’affaires aux scénarios futurs.

Objectif finance : piloter l’organisation en intégrant ses risques et opportunités écologiques, et économiques.


La comptabilité CARE : une opportunité pour la fonction finance

La fonction financière vit une transformation majeure.

Entre CSRD, investisseurs plus exigeants, risques physiques et sociaux croissants, volatilité réglementaire… les directions financières doivent élargir leur périmètre d’analyse.


La comptabilité CARE apporte :

  • un langage comptable,
  • une structure,
  • une méthode de calcul,
  • une lecture intégrée de la performance,
  • une meilleure gestion des risques,
  • une rigueur d’audit.

 👉 C’est l’outil qui manquait entre reporting RSE, contrôle interne et pilotage stratégique.



Exemple simplifié (lecture DAF)

Une entreprise industrielle utilise une ressource en bois (capital biodiversité) pour son process.

  • État de la ressource : sous le seuil de préservation
  • Dépenses de prévention identifiées : 300 k€
  • Dépenses de restauration nécessaires : 700 k€

 Lecture comptable CARE :

  • 1 M€ correspond aux euros nécessaires pour préserver le capital naturel biodiversité (bois)
  • Ce montant apparaît au passif CARE comme capital naturel à préserver
  • Les dépenses réellement engagées viennent réduire cette dette
  • Le résultat CARE n’est positif que si les coûts de préservation sont couverts

 👉 Pour le DAF, cela signifie que la performance financière ne peut plus être lue sans tenir compte de la capacité réelle de l’entreprise à préserver les capitaux dont dépend son activité.


Conclusion : la comptabilité CARE, une extension naturelle du rôle du DAF

CARE n’est pas “un petit plus RSE”.

CARE n’est pas un reporting.

CARE n’est pas un modèle flou.

CARE, c’est la comptabilité du XXIᵉ siècle :

celle qui reconnaît que l’entreprise ne vit pas seulement de capital financier, mais de tous les capitaux qui rendent son activité possible.

 

Pour une direction financière, intégrer la comptabilité CARE, c’est :

  • prolonger son expertise,
  • renforcer sa maîtrise des risques,
  • offrir une vision plus fidèle de la performance,
  • anticiper les exigences réglementaires de demain.

Et surtout : donner à la comptabilité un rôle stratégique dans la préservation du vivant.


La comptabilité CARE ne se contente pas d’enrichir le reporting extra-financier :

elle étend le modèle comptable pour intégrer les capitaux naturels et humains dans l’analyse de la performance, des risques et de la solvabilité à long terme.




Crédits carbone : comment les intégrer dans une comptabilité de la dette climatique ?